Bonjour,
J’ai bien reçu le texte que je vous avais proposé sur les services sociaux, édité par vos soins. Finalement je suis au regret de devoir vous demander de ne pas le publier. J’ai beaucoup réfléchi à la question mais je me rends compte que tous nos efforts pour empêcher l’identification de la famille dont je parle et de la stagiaire qui raconte sont restés vains. Ou alors il faudrait tellement transformer la situation observée que ça n’aurait plus aucun sens.
Comme vous savez cette observation sur le terrain, que je ne veux pas généraliser, mettait en évidence les dégâts que produisent sur l’action sociale la hiérarchie entre les personnels, les cloisonnements entre les services, et la distance sociale entre les fonctionnaires et les familles dont ils s’occupent. Au nom de l’intérêt et du bien-être de l’enfant, c’est finalement une absence de communication et d’empathie avec les familles qui s’imposent. Au nom de la lutte contre la pauvreté, une lutte contre les pauvres.
Evidemment, je pourrais développer ces constats d’une manière générale et théorique, mais cela a déjà été fait maintes fois sans avoir beaucoup d’effets alors que le récit précis des événements pouvait, je crois, avoir un impact direct beaucoup plus fort.
Je me sens très mal dans cette situation, je ne peux même pas attribuer à une censure extérieure ce qui est finalement une auto-censure. Et je pense que cette autocensure pèse sur de nombreux stagiaires et précaires dans tous les domaines du travail.
Finalement, je voudrais tout de même laisser une trace de cette tentative et j’ai pensé à vous envoyer un extrait du célèbre Cantique de Noël de Charles Dickens. Il parle très bien de tous les avantages que l’on peut retirer de l’indifférence, bien que la suite du Cantique, si vos lecteurs ont la curiosité de la lire, permette de mesurer les limites de cette indifférence.
Croyez en mon sincère soutien aux idées et aux activités de la sociologie narrative.
Bien amicalement La Stagiaire
Pour accéder au Conte de Noël, cliquez sur le document
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